9 June 2025 05:03

que se serait-il passé si le président n’avait pas appuyé sur le bouton ?

POLITIQUE – Avec des « si », la vie politique serait-elle en pareil sommeil ? Il y a un an, presque jour pour jour, Emmanuel Macron annonçait à la surprise générale la dissolution de l’Assemblée nationale. Une décision soudaine, brutale, quelques minutes après la déroute de son camp aux élections européennes.

La suite, tout le monde la connaît : un vaste chamboule-tout sur l’échiquier politique, une campagne éclair, la résurrection du front républicain pour empêcher une victoire totale du Rassemblement national, puis l’enlisement durable. Douze mois plus tard, les stigmates de cette sentence (vue comme funeste, même en macronie) sont encore très présents.

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Avec son entourage, Emmanuel Macron a longtemps expliqué qu’il n’avait pas vraiment d’autre choix que d’appuyer sur le bouton nucléaire de la Ve République, anticipant un blocage sur le budget les mois suivants, à l’automne. Il a depuis formulé plusieurs (mini) mea-culpa, en convenant que sa décision a apporté « plus de divisions que de solutions. »

Et s’il ne l’avait pas prise ? Et si le président de la République n’avait pas décidé, le 9 juin à 21 heures passées de quelques minutes, de dissoudre l’Assemblée nationale ? Tentative de récit.

Un remaniement, pas de dissolution

Retour au printemps 2024. Le « bloc central » achève une campagne européenne horribilis, où rien n’a fonctionné. La tête de liste Valérie Hayer ne parvient pas à s’imposer dans le débat public, l’omniprésence de Gabriel Attal (qui va jusqu’à débattre en grande pompe avec Jordan Bardella) ne change rien, quand celle d’Emmanuel Macron semble contre-productive.

Le scrutin se transforme peu à peu en un référendum pour ou contre le chef de l’État, avec un résultat cinglant : la liste macroniste échoue à 14 %, tout proche de celle de Raphaël Glucksmann (13 %) et loin de l’extrême droite (31 %). Emmanuel Macron accuse le coup, et étudie les cartes à sa disposition. Une telle déroute peut-elle rester sans conséquence ? À 21 heures, quelques minutes après l’annonce des résultats, le chef de l’État prend la parole depuis l’Élysée : il promet de tirer les enseignements de cette défaite et salue Gabriel Attal pour son engagement à toutes épreuves. Jamais bon signe dans la bouche du président.

Le lendemain, point de dissolution, le chef de l’État ne veut pas bouleverser la vie politique nationale après une élection européenne. En revanche, le Premier ministre est congédié. Le président expliquera plus tard que « le cadet de ses sosies », comme le qualifiait Libération à sa nomination six mois plus tôt, fait les frais du couperet décidé par les Français, et de leur volonté exprimée, avec force, de changer de cap. Façon fusible. Cela tombe bien, c’est le rôle que Gabriel Attal s’était assigné en proposant immédiatement sa démission.

Lecornu à Matignon, statu quo dans l’opposition

Pour le remplacer, Emmanuel Macron choisit Sébastien Lecornu, fidèle parmi les fidèles cité à chaque remaniement, ou presque, pour rejoindre Matignon. La manœuvre n’est pas malhabile : le ministre des Armées, sans doute plus conservateur que son prédécesseur, peut parfaitement incarner le tournant régalien souhaité par le chef de l’État. Issu des Républicains, il entretient de bonnes relations avec son ancien parti, et joue le rôle (apprendra-t-on plus tard) d’agent de liaison officieux de la macronie avec Marine Le Pen. Un profil intéressant, donc, pour un bloc qui tend toujours plus vers la droite.

Contexte périlleux oblige, le duo exécutif procède à la nomination du nouveau gouvernement dans un délai raisonnable. Quelques poids lourds restent en place (Bruno Le Maire à Bercy, Gérald Darmanin à l’intérieur) pour assurer une certaine stabilité avant les Jeux olympiques. Ils sont rejoints par plusieurs profils capables de donner corps au nouveau virage à bâbord, et de porter les préoccupations exprimées dans les urnes. Dans l’opposition, déçue même si elle n’attendait rien de ces chaises musicales, c’est le statu quo. Ou presque.

Jordan Bardella réclame, en vain, la dissolution de l’Assemblée nationale et finit par rejoindre le Parlement européen, à Bruxelles, où il prend comme convenu la présidence du groupe Les Patriotes. Il délaisse quelque peu la scène politique nationale, comme Marine Le Pen, occupée à préparer son procès à hauts risques (prévu à la rentrée) concernant l’affaire des assistants parlementaires du FN. À gauche, c’est Raphaël Glucksmann qui a le vent en poupe… Quand les autres font la grimace, surtout chez les écolos et les insoumis.

La vraie trêve olympique

Fort de ses 13 % au soir du 9 juin, soit deux fois plus qu’il y a quatre ans, l’eurodéputé occupe le terrain et les débats avec ses alliés socialistes pour mettre en place une offre politique différente de celle portée par Jean-Luc Mélenchon. Un « cap clair » selon les mots du fondateur de Place Publique, qui doit permettre à la social-démocratie de trouver un second souffle puis de se distancier de LFI, dont la mainmise s’étiole après le score décevant de Manon Aubry. Les réunions de la gauche hors insoumise reprennent alors de plus belle pour préparer les prochaines échéances, municipales, puis présidentielle.

En parallèle, les Jeux olympiques se transforment en vraie trêve des confiseurs. Le duo exécutif s’affiche partout, espérant capitaliser sur ces semaines féeriques, et hors des polémiques politiciennes. Sébastien Lecornu bénéfice donc d’une entrée en matière particulièrement douce, tandis que les Français s’habituent à son profil un brin austère.

Loin des sites et des podiums, le gouvernement a toute latitude pour plancher sur son futur budget, les yeux rivés sur la guirlande d’indicateurs inquiétants. Pour reprendre la main sur le dérapage du déficit, Bruno Le Maire parvient à convaincre son nouveau Premier ministre des bienfaits d’une « loi de finance rectificative », option écartée jusqu’à présent par Gabriel Attal et Emmanuel Macron. La pilule commence à passer.

Automne, saison à tornades ?

Suivant cette logique, ses premières annonces pour le budget 2025, bien que difficiles et impopulaires, passent relativement inaperçues au cœur de l’été. Dans l’actualité, la désindexation partielle de certaines prestations sur l’inflation (retraites, par exemple) ne peut rivaliser avec les sacres de Léon Marchand, ou la liesse populaire au passage des cyclistes sur la butte Montmartre.

Arrive septembre, la fin de la parenthèse olympique, et le retour des embûches. En escadrille ? Toujours menés par Éric Ciotti (et Laurent Wauquiez en coulisse), Les Républicains accentuent leur menace de motion de censure sur le budget et la question du déficit. En théorie, le risque est sérieux : avec 61 membres, le groupe des députés de droite est le seul capable d’agréger les voix de la gauche et du RN pour atteindre la barre fatidique des 289 voix et faire tomber le gouvernement. Sur le papier, c’est un peu différent.

Tout d’abord, LR est une formation en perte de vitesse, pas franchement rassurée par son score aux Européennes, qui n’a jamais déposé de motion de censure. Pas tout à fait son ADN. À part quelques ouailles, le groupe ne s’est même jamais joint aux initiatives des autres. Au Sénat, Bruno Retailleau est toujours président de groupe, et méconnu du commun des Français. De l’autre côté du spectre, le Parti socialiste et les écologistes s’affichent plutôt réfractaires à l’idée de soutenir la censure du gouvernement au motif que sa politique budgétaire n’est pas assez austéritaire. Difficile, également, d’accorder cette victoire à la droite alors qu’elle sauve régulièrement le gouvernement avec des appuis décisifs.

La dissolution comme dissuasion

Menace fantôme ou bien réelle, qu’importe. Emmanuel Macron, qui a préféré le remaniement en juin, possède encore une carte majeure dans son jeu : celle de la dissolution, qu’il agite à l’envi comme une arme de dissuasion (massive.) Son message est relativement clair : si vous censurez le gouvernement sur le budget, je renvoie tous les députés aux urnes. Une sorte d’avertissement qui permet au chef de l’État de se décharger de la responsabilité d’une chienlit éventuelle, et qui suffit, depuis 2022, à convaincre les troupes d’Éric Ciotti et Olivier Marleix de ne pas appuyer sur le bouton.

Dès lors, deux cas de figure : le gouvernement de Sébastien Lecornu parvient à faire adopter son budget, soit en trouvant les 40 voix qu’il manque à son socle de 250 députés, soit en activant l’article 49.3 de la Constitution. Les regards se braquent alors sur Les Républicains, et leur dilemme exacerbé par la macronie et ses arguments tous trouvés : ce grand parti de gouvernement osera-t-il plonger la France dans l’instabilité à quelques encablures de Noël ? L’histoire ne le dit pas. Elle ne le dira jamais.

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