Pierre Nora, historien du sentiment national, est mort

L’historien, éditeur et académicien Pierre Nora, connu pour l’oeuvre monumentale “Les Lieux de mémoire” et co-fondateur de la revue “Le Débat”, est décédé lundi à 93 ans, laissant “un héritage immense”, selon les premiers hommages.
“Anne Sinclair Nora a la douleur d’annoncer le décès de son époux Pierre Nora survenu le 2 juin 2025”, a indiqué sa famille dans un communiqué transmis à l’AFP par le neveu de l’historien, Olivier Nora.
L’ex-journaliste vedette de TF1 l’avait épousé il y a quelques années.
Intellectuel issu d’une famille de la grande bourgeoisie juive parisienne, né le 17 novembre 1931, Pierre Nora a été l’un des grands noms de l’édition, chez Gallimard, où il a créé et dirigé plusieurs collections de référence en histoire et sciences humaines.
Il est surtout connu comme le maître d’Å“uvre d’un ouvrage qui fait référence sur l’identité culturelle et historique de la France, “Les Lieux de mémoire”, en trois tomes (“La République” en 1984, “La Nation” en 1986 et “Les France” en 1992).
“J’ai voulu étudier la mémoire nationale et, plutôt que de faire des généralités, il m’a paru plus excitant d’étudier les lieux (emblèmes, symboles, musées, archives, institutions, etc.) où elle s’est condensée et exprimée”, expliquait-il en 1984.
Pierre Nora a fait surgir “un nouvel objet d’histoire”, a résumé l’historien français René Rémond, à propos de cette somme qui traite du Panthéon, du Tour de France, du Code civil, de l’encyclopédie Larousse, des funérailles de Victor Hugo, de la forêt ou encore de la vigne.
Après avoir formé des générations d’étudiants en tant que directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales (Ehess) et comme enseignant à Sciences Po Paris, il avait été élu à l’Académie française en 2001.
– “Identité commune” –
“Cartographe de la France et de la façon dont les souvenirs bâtissent notre identité commune, entre fiertés partagées et blessures profondes, il faisait partie de ceux qui pensaient la mémoire comme un objet vivant et disputé. Son Å“uvre immense continuera longtemps d’irriguer notre manière de penser l’Histoire”, a salué la ministre de la Culture Rachida Dati sur X.
Lauréat du Grand prix national d’histoire 1993, “Pierre Nora lisait la nation comme d’autres lisent un poème: à la lumière de ses silences et de ses symboles”, a écrit Yaël Braun-Pivet, la présidente de l’Assemblée nationale, sur le même réseau social.
“Son héritage est immense pour les sciences humaines et son itinéraire si singulier continuera à inspirer”, a réagi dans un communiqué le Centre national du livre, qui voit en Pierre Nora “un modèle de rigueur et de sensibilité mêlées pour toute une génération de penseurs”.
L’historien incarne une “figure essentielle de la vie intellectuelle de la seconde moitié du XXe siècle”, a de son côté estimé la librairie Mollat, fleuron de la librairie indépendante basé à Bordeaux, sur X.
Pierre Nora intervenait fréquemment sur les sujets les plus sensibles de l’Histoire de la France contemporaine, depuis la guerre d’Algérie. Il devint en 2007 président de l’association “Liberté pour l’histoire”, qui défend la liberté d’expression des historiens contre les interventions politiques. “Ce n’est pas au juge ni au législateur de dire l’Histoire”, affirmait-il.
Il fut aussi directeur de la revue “Le Débat” et membre fondateur de l’influente fondation Saint-Simon, groupe dissous en 1999 visant à réconcilier le monde économique et social et les milieux politiques.
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