28 November 2025 04:07

« On espère surfer sur la vague de la Coupe du Monde »

Arrière du XV de France et du
Stade bordelais triple champion de France en titre, Morgane
Bourgeois (22 ans) se confie à notre site sur sa saison avec le
club girondin, la médiatisation de l’Elite 1 Axa, sa Coupe du Monde
frustrante avec les Bleues, son poste d’arrière et ses études de
journalisme.

Morgane Bourgeois, la Fédération française de rugby a
annoncé la nomination de François Ratier, votre actuel entraîneur
au Stade bordelais, au poste de sélectionneur du XV de France
féminin, que vous inspire cette décision ?
Je suis
plutôt contente. C’est un entraîneur qu’on a depuis deux ans au
club et que je trouve très bon. Donc c’est une bonne nouvelle pour
l’équipe de France. C’est vrai que les dernières rumeurs le
plaçaient plutôt comme un favori parce qu’il avait déjà une
expérience avec les filles, une expérience internationale. Après,
il y avait de beaux candidats aussi, donc on attendait quand même
le résultat final.

Par conséquent, vous ne l’aurez plus à vos côtés à
partir du mois de janvier…

Oui, c’est le côté un peu moins cool de l’annonce. C’est dommage
pour Bordeaux, mais c’était prévu dans son contrat (il avait une
clause de départ en cas d’approche du XV de France, ndlr). Je pense
que le club va s’organiser et ça ira.

Comment jugez-vous ce début de saison avec le Stade
bordelais ? Deux défaites puis trois victoires…

On a eu un calendrier de début de championnat assez difficile avec
les deux plus grosses rencontres au début (Toulouse et Romagnat,
ndlr). Ça n’a pas forcément arrangé nos affaires parce qu’on avait
beaucoup d’internationales éparpillées après la Coupe du Monde, qui
sont revenues un peu au compte-gouttes. C’était un peu difficile de
collectivement enclencher une dynamique. Ça s’est soldé par deux
défaites, mais on n’a pas paniqué. Et quand on a retrouvé tout le
monde et qu’on a commencé à vraiment bien travailler, ça s’est vu
sur le terrain. On a repris confiance avec le match à Lille et à
Bobigny. Là, on sent que c’est parti, on a retrouvé des
automatismes.

Contrairement à certaines internationales, vous avez
disputé le début de saison, pour quelle raison ?

C’était un choix personnel. J’ai vécu une Coupe du Monde un peu
particulière, assez frustrante. J’avais envie de rapidement
basculer sur autre chose, avec d’autres filles, des filles que je
connais, sur un projet que je connais bien, que je maîtrise, dans
lequel je sais que je m’épanouis. Donc j’ai pris une petite semaine
de vacances au retour de la Coupe du Monde. Je prendrai ma deuxième
semaine un peu plus tard.

Et samedi vous attend un match important à Montpellier,
qui est juste derrière vous au classement
(4e)…

Oui, complètement. C’est un peu l’occasion pour nous de nous
installer dans le top 3 et de décrocher un peu le quatrième. C’est
important dans la course à ce Top 4 pour aller chercher une place
favorable en demi-finale. Ça va être un match important également
parce qu’il est diffusé sur Canal+. C’est le deuxième de la saison.
Le premier, ça avait été contre Toulouse, où on avait perdu. Donc
le grand public a sûrement gardé cette image-là de nous. On a envie
de leur montrer que depuis cette journée, on s’est réveillées, on
est capable de gagner aussi contre les grosses équipes.

L’objectif, cette saison, reste le quatrième titre
d’affilée ?

Oui, bien sûr. On veut créer un exploit qui n’a jamais été fait, de
remporter quatre titres d’affilée, de marquer un peu plus
l’histoire du club. C’est pour ça qu’on s’entraîne.

Bourgeois : « Ne pas voir le
rugby féminin à la télé comme quelque chose de
rarissime »

Vous parliez de diffusion sur Canal+. Un partenaire de
naming est également arrivé cette saison pour l’Elite 1 (Axa), une
poule unique a été mise en place en 2024… Vous sentez que le
championnat se développe de plus en plus ?

Ça va de mieux en mieux. En tout cas, je pense que la dynamique de
la Coupe du Monde 2025 a été vraiment positive. C’était vraiment
une Coupe du Monde réussie dans le pays du rugby, qui avait très
bien préparé l’événement, et ça a vraiment marché. On espère un peu
surfer sur la vague de cette compétition. Même s’il reste encore
beaucoup de travail. Le chemin est encore long pour arriver à
égalité avec les garçons, ne serait-ce qu’arriver à une
médiatisation un peu plus continue, à la professionnalisation. On
sent que c’est mieux. On a de plus en plus de matchs diffusés sur
Canal+. Le championnat devient de plus en plus attractif aussi.

Qu’est-ce qu’il faudrait encore pour améliorer la
popularité ? Diffuser tous les matchs, par exemple ?

Ce serait un bon début. Les gens ont du mal à suivre, à comprendre
notre championnat. En diffusant un match de temps en temps, c’est
bien. Ça fait voir le rugby féminin, mais les gens ne comprennent
pas forcément les enjeux de chaque match. Si on pouvait diffuser
tous les matchs, au moins un match par week-end, ça pourrait
permettre d’avoir une vraie continuité. Et de ne pas voir le rugby
féminin à la télé comme quelque chose de rarissime. En une semaine,
on passe de jouer sur Canal+, en baisser de rideau ou en lever de
rideau dans des stades de Top 14, à jouer à Bobigny devant 200
personnes. L’écart est assez flagrant.

Et cela passe aussi par de meilleurs résultats de
l’équipe de France ?

Je pense que l’équipe de France, pour le coup, est pas mal
regardée. On a battu des records d’audience pendant la Coupe du
Monde. On bat aussi des records presque tous les ans sur les
remplissages de stades pendant le Tournoi des 6 Nations. C’est
dommage qu’on n’arrive pas à franchir ce cap et avoir de très bons
résultats. On a des bons résultats, mais pas très bons.

Le cap, c’est toujours les demies en Coupe du Monde et
battre l’Angleterre pendant le Tournoi…

Oui. C’est dommage parce que je pense que le jour où on arrivera à
faire ne serait-ce qu’une fois un exploit, ça va forcément
réveiller le public, lui donner encore plus envie de suivre, lui
donner espoir aussi. Ça pourrait être vraiment quelque chose de
déclencheur.

Avec deux mois de recul, il vous reste quoi de ce
Mondial anglais ?

Je pense que c’était une grande frustration parce qu’on a une
génération avec des qualités individuelles assez incroyables. Si on
prend chaque joueuse de l’équipe, elle n’a pas grand-chose à envier
aux meilleures joueuses des meilleures nations. Mais on a eu
beaucoup de mal à trouver un collectif avec ces individualités-là
et à avoir un jeu un peu plus fluide qui nous aurait permis de
prendre beaucoup plus de plaisir sur le terrain et ensuite
peut-être de franchir cette étape-là. Non seulement on a buté en
demi-finale comme les autres années, mais en plus on a perdu en
petite finale, donc on a même fait moins bien que les autres
années. C’est vraiment le plus décevant, même si on ne serait pas
du tout contentées d’une médaille de bronze. C’est dommage de ne
pas ramener une médaille pour finir cette aventure.

Vous n’avez pas pris de plaisir sur le terrain
?

J’ai eu beaucoup de mal à prendre du plaisir, à me retrouver. Je
pense qu’on avait un avis assez similaire, même si ce n’était pas
le cas de toutes. C’était d’autant plus frustrant parce qu’on
gagnait à chaque fois à l’arraché, de justesse. C’est beaucoup
d’énergie, c’est épuisant. Après, s’il y a bien un truc
irréprochable sur cette compétition, c’est qu’on a joué tous les
week-ends dans des stades assez incroyables, avec beaucoup de
spectateurs. Tout a été très bien organisé par le pays-hôte. Ça
marque une vie finalement. On n’est pas habituées à jouer dans ces
conditions-là.

Bourgeois : « Thomas Ramos
m’inspire beaucoup »

Après avoir commencé à l’ouverture, vous êtes désormais
définitivement installée à l’arrière.

Oui, je suis 15 définitivement. Ça fait à peu près deux ans que je
ne fais plus trop la bascule avec le poste de numéro 10. Maintenant
j’ai vraiment mes repères à l’arrière, c’est bon, j’ai envie de me
concentrer sur toute la panoplie que demande ce poste, pour pouvoir
le maîtriser au mieux, plutôt que de le maîtriser à moitié.

Vous rêvez de devenir le Thomas Ramos du rugby féminin
?

Pourquoi pas ? Je rêve surtout de gagner le maximum de trophées
collectivement, des trophées internationaux. Si je peux y
contribuer, un peu comme Thomas Ramos, ce serait encore plus beau.
Je ne l’ai jamais croisé, mais c’est un mec qui m’inspire beaucoup,
que j’admire. C’est assez impressionnant, je le regarde énormément
jouer. J’ai regardé aussi le documentaire à son sujet sur Canal+.
Je pense qu’on a des caractères assez similaires, cette envie de
gagner tout le temps, ce côté un peu mauvais joueur (sourire) qui
nous pousse à toujours faire mieux, à être un peu pénible parfois,
mais à toujours faire mieux. J’essaie de m’inspirer un peu de ce
qu’il fait.

Vous vous êtes lancée dans des études de journalisme. Où
en êtes-vous ?

Je suis en M2 à l’ISFJ de Bordeaux. J’ai eu un parcours un peu
particulier, car j’ai commencé par une licence STAPS, ce qui n’a
rien à voir, un peu par défaut parce que tous les sportifs font une
licence STAPS après le bac, quand ils ne savent pas trop quoi
faire. Ça ne m’a pas plu plus que ça, et de par mon parcours, j’ai
rencontré quelques journalistes, j’ai eu l’occasion de faire des
interviews, grâce à l’équipe de France notamment. C’est un métier
qui m’a interpellée. Je me suis dit que ça pourrait être très
intéressant. J’ai toujours aimé écrire, j’ai toujours été assez
curieuse. Et j’adore le sport, donc le journalisme sportif, ça peut
être un moyen de rester dans le sport, de transmettre un peu ma
passion, mais d’une autre manière.

Vous ferez une troisième année ensuite ?
En fait, Je vais étaler cette année de M2 sur deux ans, parce
qu’avec mon emploi du temps, c’est assez serré. Sinon, c’est un peu
flou sur ce que je vais faire après, parce que finalement, je
n’aurai fait que deux ans à l’issue d’une licence, ce n’est pas
énorme. Actuellement, je suis en stage à Rue 89. J’ai eu l’occasion
de faire quelques piges pour Rugby Pass, donc c’est vraiment cool.
Ça me permet de me faire voir un petit peu, de montrer que je fais
ça, et puis de progresser surtout, et d’apprendre un peu plus le
métier.

Votre reconversion est déjà toute trouvée…
En tout cas, je suis contente d’avoir trouvé autre chose, parce que
c’est vrai que quand j’étais dans cette routine STAPS/rugby,
j’avais tendance parfois à oublier qu’il y avait d’autres choses à
côté. Là, ça me fait vraiment du bien de voir d’autres mondes,
d’apprendre des nouvelles choses chaque jour, d’avoir cet
équilibre-là qui me permet d’être à 100 % motivée quand je rentre
sur le terrain parce que ça m’a manqué, parce que j’ai eu une
longue journée, et que j’ai envie de me défouler.

Votre agenda doit être bien rempli…
Oui, c’est sûr ! Les jours où je n’ai pas d’entraînement, je
travaille. Les jours ou j’ai entraînement, je travaille entre deux
entraînements. Mais ça me fait du bien aussi. Donc, si jamais c’est
trop, mes tuteurs de stage sont compréhensifs pour me laisser un
peu de temps. Ma priorité pour l’instant, c’est le rugby. A côté,
ce n’est que du plus, de l’expérience supplémentaire.

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