20 June 2025 11:56

Non, la Déclaration des droits de l’homme et la Convention européenne des droits de l’homme ne dispensent pas de payer l’impôt en France

<span>Capture d'écran réalisée sur TikTok, le 19/06/2025. La croix rouge a été ajoutée par l'AFP.</span><span></div></div></div><div class=
Capture d’écran réalisée sur TikTok, le 19/06/2025. La croix rouge a été ajoutée par l’AFP.

Une lecture partielle des textes de droit

L’argument erroné selon lequel la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ou la Convention européenne des droits de l’homme rendraient facultatif le paiement de l’impôt repose sur une incompréhension ou une lecture partielle de ces documents. L’article 4 de la CEDH prévoit bien que “Nul ne peut être tenu en esclavage” ou “astreint à accomplir un travail forcé“, mais ce chapitre est sans rapport avec l’organisation de l’impôt. Un alinéa du même article prévoit d’ailleurs que n’est pas considéré comme du travail forcé “tout travail formant partie des obligations civiques normales“.

L’article 1er du Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, adopté en 1952, reconnaît par ailleurs le “droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires (…) pour assurer le paiement des impôts, contributions et amendes“. Aucun article de la CEDH n’autorise donc un citoyen à refuser de payer l’impôt.

La Cour européenne des droits de l’homme a réaffirmé à plusieurs reprises ce principe dans ses arrêts, estimant que les obligations fiscales relèvent du devoir civique et ne constituent pas un fardeau disproportionné au regard des droits garantis par la Convention.

D’autres vidéos TikTok (1, 2) et billets sur les réseaux (archive ici) totalisant des milliers de partages prétendent s’appuyer sur un autre document constitutionnel, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, pour affirmer le caractère optionnel de l’impôt. Les auteurs de ces déclarations font spécifiquement référence à l’article 14 du texte : “Tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi, et d’en déterminer la quotité, l’assiette, le recouvrement et la durée“.

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Captures d’écran réalisées sur les réseaux X et TikTok le 19/06/2025. Les croix rouges ont été ajoutées par l’AFP

Dans ces contenus, l’expression “consentir librement” est interprétée comme exprimant un droit individualisé à accepter ou non de payer l’impôt, et selon cette logique, l’absence d’opposition vaudrait consentement, incitant les internautes à signifier par écrit leur opposition au prélèvement.

Mais il n’en est rien : l’article 13 du même document consacre le caractère “indispensable” de la “contribution commune“, qui doit être “également répartie entre tous les citoyens“. Il n’y a jamais figuré la possibilité de s’y soustraire du fait de sa propre volonté.

Les règles, lois, et modalités de recouvrement encadrant l’impôt sont fixées par l’article 34 de la Constitution, comme l’indique le site officiel Vie publique. Celui-ci consacre les principes de légalité et d’annualité, selon lesquelles c’est le Parlement français qui confère au gouvernement le droit de percevoir l’impôt en votant la loi de finances de l’année : le consentement à percevoir l’impôt prévu dans l’article 14 de la DDHC relève de la nation, exprimé par la voix de ses représentants, et non du choix individuel du citoyen.

“Citoyens souverains”

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Capture d’écran réalisée sur le site “fraudedunomlegal.fr” le 19 juin 2025.

On retrouve dans ces vidéos et billets de réseaux sociaux des éléments caractéristiques de la mouvance informelle des “citoyens souverains” : références à des “normes” juridiques supérieures aux contours flous, illégitimité supposée des lois des États, volonté de se soustraire aux prélèvements obligatoires…

Selon des théories régulièrement citées sur des comptes rattachés aux “citoyens souverains”, l’Etat français n’existerait pas en tant qu’entité publique mais relèverait d’une entreprise de droit privé créée en 1947. Ses adeptes, n’ayant pas consenti à contracter avec cette société, n’auraient alors pas besoin de se soumettre aux lois françaises, évitant ainsi de payer impôts et amendes.

L’AFP a consacré un article de vérifications à ce sujet, à retrouver ici.

Les vidéos et posts en question renvoient souvent vers des sites “d’information”, des groupes de partages d’astuces pseudo-juridiques visant à contester la légalité des prélèvements obligatoires, ou à des formations en ligne – payantes – promettant aux utilisateurs des moyens de se soustraire aux taxes ou à leurs dettes.

Refuser de payer ses impôts, quel que soit le motif invoqué, peut pourtant avoir des conséquences juridiques bien réelles. Le Code général des impôts fixe le cadre juridique de l’imposition. En cas de non-paiement, le Code prévoit des majorations du montant dû, puis des poursuites de la part de l’administration fiscale en cas de refus répétés.

L’administration peut également saisir les sommes dues sur le compte bancaire ou sur le salaire du contrevenant. Et le Code pénal prévoit des peines de prison et de lourdes amendes en cas de “manoeuvres frauduleuses” visant à se soustraire à l’impôt.

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