Haïti

“Le sénat doit recommencer à fonctionner à son local habituel au parlement haïtien” – Sénateur Kedlaire Augustin





L’utilisation de la violence physique ou psychique n’a d’autre finalité que de nous réduire au silence. Pour moi, un parlementaire n’a d’autres armes que la parole et la tribune du parlement.

Si j’accepte de me taire parce que mes opinions sont différentes de celles des quatre(4) collègues de souche lavalasienne ou parce que mes opinions diffèrent de celles de mes collègues qui supportent le pouvoir, je trahis la population du Nord-Ouest qui m’a mandaté pour parler en son nom.

Si j’accepte de fuir les locaux du sénat pour siéger dans un autre espace sous la pression des quatre(4) sénateurs, c’est comme si je légitimais leur comportement de politiciens sans foi ni loi.

Je n’arrive pas à comprendre pourquoi tous les autres sénateurs qui se disent démocrates ne condamnent pas publiquement le comportement des quatre(4) sénateurs.
Je parle ici non pas dans le cadre d’une logique de révolution, mais d’une logique de démocratie. Je ne vois pas comment un mouvement qui est financé par le secteur bourgeois et orienté par des politiciens traditionnels obsédés par la conquête du pouvoir et la satisfaction de leurs intérêts mesquins puisse déboucher sur une révolution.




Quand les vrais extrémistes de droite s’allient aux pseuso-extrémistes de gauche, quand ceux qui ont tout s’allient à ceux qui n’ont rien, c’est plus une exploitation qu’une révolution. J’invite les Petrochallengers à se ressaisir. Il faut retrouver l’unité du mouvement.

Par ailleurs, je ne partage pas l’idée de déplacer le siège du Sénat. Dans le contexte actuel, un tel acte pourait être assimilé à une légitimation anarchiste et anti-démocratique des quatre(4) collègues sénateurs. Au nom de quoi imposent-ils leur loi à la nation? Sont ils les plus honnêtes, les plus compétents et les plus patriotes du grand corps?

Sur la question d’honnêteté, je laisse le soin à la population et aux forces vives de la nation d’en juger. S’iIs étaient plus patriotes, ils n’auraient pas cautionné ces actes de violence qui affectent la sécurité des vies et des biens des citoyens, paralysant ainsi toute activité scolaire pendant que leurs enfants continuent à aller à l’école en toute quiétude à l’étranger. Donk PEYI LÒK PA POU YO.

S’ils étaient plus compétents, ils divorceraient d’avec la dialectique des armes pour épouser l’arme de la dialectique dans les séances. Ils auraient pu perdre le vote, mais gagner la conscience des citoyens. Je n’ai pas gagné tous les combats que j’ai menés au sénat. Mais je suis toujours resté en paix avec ma conscience. Je suis le seul sénateur élu du PHTK à n’avoir pas voté le budget 2018-2019, parce que je voulais poser un acte solennel qui exprime mon refus de supporter un pouvoir qui n’accorde pas la priorité à mon département. Je suis le seul sénateur proche du pouvoir à ne pas voter pour le Premier ministre Céant. J’étais aussi le seul sénateur à ne pas voter pour la transmission du rapport de la CSCCA avec les recommandations de Youri Latortue, pour ne pas dire la commission éthique et anti-corruption. J’étais enfin le seul à écrire au bureau du sénat pour lui demander de convoquer le Premier ministre Céant, les ministres de l’agriculture et de la planification ainsi que celui de l’éducation pour donner entrée à la directrice de l’INFP quand la CSCCA avait déclaré qu’ils refusaient de donner accès à ses comptables vérificateurs aux dossiers relatifs à la gestion et à l’utilisation du fonds petro caribe. Pourtant, la majorité ne m’a pas soutenu dans ces démarches. Même les initiateurs des deux rapports du sénat ne les ont pas soutenues; ils n’ont pas voté la résolution habilitant la CSCCA à intervenir sur le dossier, ils n’ont pas soutenu ma démarche visant à convoquer les autorités qui ont voulu faire obstacle au travail de la CSCCA, mais se font passer dans l’opinion publique comme les seuls sénateurs qui veulent vraiment l’aboutissement de l’enquête du dossier petro caribe.




Du côté du pouvoir, mes votes et mes prises de position en faveur de ma population et du respect de la constitution m’ont valu l’étiquette de traitre. Du côté de l’opposition je suis sur une liste de sénateurs à abattre. Cessez cette hypocrisie! La lutte contre la corruption ne vous intéresse pas vraiment. Vous ne vous intéressez qu’à la prise du pouvoir et la sauvegarde de vos intérêts économiques.

Pourtant, j’étais le seul sénateur proche du pouvoir qui ait osé demander au Président Jovenel d’arrêter avec les promesses. J’ai eu le courage de lui dire publiquement que sa stratégie de communication et sa stratégie politique ne sont pas bonnes. Je lui avais dit que le pays n’a pas les moyens pour lui permettre de réaliser ses nombreuses promesses. Je lui avais dit qu’il ne pouvait pas lutter contre cinq (5) secteurs puissants que sont la PNH, l’international, le secteur privé, l’opposition plurielle et une grande frange du PHTK. À ce moment, mes propos étaient comme un sacrilège. Mes sympathisants et moi avons bû la coupe jusqu’à la lie. Mais j’avais la conviction que mes prises de position ne visaient qu’à éviter la situation que nous sommes en train de vivre aujourd’hui. Vous pouvez donc comprendre combien est grande ma déception. J’aurais pû être aussi violent que mes quatre(4) collègues si j’avais la conviction que la population et la presse allaient apprécier le courage de ceux qui défendent les intérêts de leur département et les règles du jeu démocratique.

Malgré tout, je refuse de subir la loi de mes quatre (4) collègues sénateurs qui utilisent la violence pour paralyser le fonctionnement du grand corps. Je m’oppose à toute idée de déplacer le siége du sénat dans le contexte actuel. L’Etat doit être le détenteur exclusif du monopole de la violence légitime.

Fort de tout cela, je propose donc que le bureau du sénat se fasse assister de la commission Justice et sécurité publique pour rencontrer le haut état major de la police et lui demander de prendre des mesures sécuritaires en vue de faciliter le fonctionnement régulier du sénat de la république.

Port au Prince, le 19 juin 2019

Kedlaire AUGUSTIN
Sénateur de la République

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