Le Lycée musulman Averroès retrouve son contrat avec l’État après cette décision de justice

JUSTICE – Le principal lycée privé musulman de France est de nouveau sous contrat. Dépossédé d’un demi-million d’euros de subventions depuis la rentrée 2024 après la décision du préfet du Nord de retirer en décembre 2023 le contrat liant l’État au lycée lillois Averroès, le tribunal de Lille a finalement fait annuler cette décision ce mercredi 23 avril.
Dans un communiqué, le tribunal administratif de Lille a estimé « que la condition tenant à l’existence de manquements graves au droit n’était pas remplie » et « que la procédure suivie était entachée d’irrégularités ». Une sacrée victoire pour ce lycée mulsuman qui avait été accusé par la préfet d’un « manque de transparence et de désintéressement dans la gestion de l’établissement », sans oublier des enseignements « contraires aux valeurs de la République ». Notamment lors de cours d’éthique musulmane.
Le lycée musulman Averroès de Lille perd son contrat de financement avec l’État
Pour plusieurs des manquements reprochés à l’établissement, le tribunal a estimé que « l’administration n’avait pas suffisamment démontré leur existence », notamment concernant le « manque de pluralisme culturel de la documentation accessible aux lycéens », le « caractère contraire aux valeurs de la République du cours d’éthique musulmane » et « l’existence d’un système de financement illicite ».
L’association Averroès a salué dans un communiqué « une décision d’apaisement » et une « victoire de l’État de droit », soulignant « le travail minutieux de la justice, loin des polémiques politiciennes de diversion alors qu’Averroès subit un véritable acharnement depuis plusieurs années ». Selon l’association, « cette décision à effet immédiat réattribue de manière rétroactive intégralement le contrat d’association au lycée Averroès ».
« Les élèves étaient en danger », selon le préfet
Lors de l’audience du 18 mars, le rapporteur public, magistrat chargé d’éclairer les juridictions administratives, avait déjà préconisé de rétablir ce contrat liant l’établissement musulman à l’État. Et ce, alors que le tribunal administratif avait par deux fois en 2024 confirmé la suspension du contrat en référé. Mais la décision attendue ce mercredi était la première sur le fond du dossier.
Entendu le 9 avril par la commission d’enquête parlementaire sur le contrôle des établissements scolaires par l’État, Georges-François Leclerc, ancien préfet du Nord à l’origine de cette résiliation de contrat avait assuré qu’il disposait d’éléments « suffisamment tangibles pour considérer que les élèves étaient en danger ». Citant notamment « des éléments documentaires » et « certains enseignements (…) relevaient clairement du salafo-frérisme », faisant clairement référence ici au courant fondamentaliste islamique du salafisme et à l’idéologie politico-religieuse née du mouvement égyptien des Frères musulmans.
Sa décision s’appuyait aussi sur la mention, dans la bibliographie d’un cours d’éthique musulmane, d’un recueil de textes religieux contenant des commentaires prônant la peine de mort en cas d’apostasie ainsi que la ségrégation des sexes.
Chute du nombre d’élèves
Mais au cours de l’audience du 18 mars, le rapporteur public avait, pendant plus d’une heure, contesté point par point la plupart des griefs avancés par la préfecture. « Aucun élément probant » n’a démontré l’utilisation d’ouvrages contraires aux valeurs de la République, avait-il assuré. Tout en reconnaissant que des manquements existaient, sans qu’ils ne justifient pour autant une résiliation du contrat. Il avait également rappelé que l’Éducation nationale avait mené plusieurs inspections, sans trouver matière à remettre en cause le contrat d’association.
La rupture du contrat du lycée Averroès avait eu pour conséquence de faire perdre un certain nombre d’élèves à l’établissement (passé de 470 lycéens à 270) après le doublement des frais de scolarité et le lancement d’une cagnotte en ligne pour compenser la perte de subventions.
Pour Averroès, le feuilleton judiciaire pourrait quoi qu’il arrive se poursuivre. Les avocats du groupe scolaire ont saisi la justice concernant le refus par la préfecture d’accorder un contrat au collège, alors que l’établissement remplit « toutes les conditions » selon le chef d’établissement Éric Dufour. Le collège, qui compte 340 élèves, a demandé à passer sous contrat dès 2017, cinq ans après son ouverture.
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