20 June 2025 11:24

la Première ministre en opération rabibochage avec l’armée

La Première ministre thaïlandaise Paetongtarn Shinawatra, menacée par le délitement de sa majorité, a rendu visite vendredi au général qu’elle a comparé à un “opposant” lors d’un appel qui a fuité, sur fond de tension à la frontière avec le Cambodge.

Novice en politique, l’héritière de la dynastie Shinawatra qui polarise le royaume depuis plus de vingt ans, multiplie les gestes de contrition depuis le départ du deuxième plus grand parti de la coalition, mercredi, qui l’a laissée à la merci d’un revirement d’alliance, fréquent en Thaïlande.

Mais les milieux conservateurs, historiquement hostiles à son clan, ne lui ont pas tout pardonné: une formation clé de sa majorité aurait demandé sa démission, sous peine de rejoindre l’opposition, ce qui signifierait la chute du gouvernement, a rapporté vendredi la presse thaïlandaise.

La Thaïlande, habituée aux crises cycliques, a déjà changé de Premier ministre l’an dernier, mais ce pic de tensions s’inscrit dans une nouvelle donne mondiale marquée par l’offensive protectionniste américaine, qui menace de gripper une croissance fragile. Jeudi soir, la Bourse de Bangkok a atteint son niveau le plus bas en cinq ans.

Paetongtarn a présenté ses excuses jeudi, en réponse aux critiques qui l’accusaient d’avoir insulté la Thaïlande et de manquer de poigne, lors d’un appel téléphonique avec l’ancien Premier ministre Hun Sen, que celui-ci a enregistré et diffusé à son insu.

– Retour à la “normale” –

Vendredi, elle a rencontré le général de corps d’armée Boonsin Padklang, en charge du Nord-Est du pays, dans la province d’Ubon Ratchathani où ont eu lieu les récents affrontements avec le Cambodge.

La dirigeante a assimilé ce haut-gradé à un “opposant” dans son échange avec Hun Sen, une remarque qui a enflammé les partisans de l’ordre militaro-royaliste hostiles, rappelant le contexte qui a conduit aux coups d’État ayant évincé le père de Paetongtarn, Thaksin, et sa tante, Yingluck, respectivement en 2006 et 2014.

Leur discussion “s’est très bien déroulée”, a salué Paetongtarn. “Il n’y a plus aucun problème.”

De son côté, Boonsin a affirmé que “tout était normal”.

Une douzaine de putschs réussis depuis la fin de la monarchie absolue en 1932 a cimenté la place de l’armée dans le cÅ“ur de la vie politique thaïlandaise, laissant planer en permanence l’hypothèse d’une intervention si le gouvernement en place allait contre ses intérêts.

La Thaïlande et le Cambodge sont à couteaux tirés depuis la mort d’un soldat cambodgien lors d’un échange de coups de feu au milieu de la nuit, le 28 mai dernier. Chaque armée accuse l’autre d’avoir ouvert les hostilités.

L’incident a mobilisé le sentiment patriotique au sein des deux voisins, en désaccord depuis des décennies sur le tracé de leur frontière commune longue de plus de 800 kilomètres, héritage de la présence française en Indochine.

L’appel entre Paetongtarn et Hun Sen, qui a dirigé le Cambodge durant environ 40 ans, visait à apaiser les tensions, a expliqué la dirigeante thaïlandaise, qui s’est dit “très déçue” par son interlocuteur.

Bangkok a remis jeudi une lettre formelle de protestation à l’ambassadeur cambodgien, pour dénoncer cette fuite considérée comme “une violation de l’étiquette diplomatique” qui “compromet” la confiance entre les deux voisins liés par d’importants liens culturels et commerciaux.

– Coalition sur un fil –

Dans sa première communication sur le sujet, Hun Sen a indiqué vendredi que la fuite avait “brisé” plus de “30 ans de relations sincères entre nos deux familles”.

Sur le volet national, Paetongtarn Shinawatra demeure fragilisée, alors que des manifestants avaient réclamé sa démission jeudi devant le palais du gouvernement, et que d’autres rassemblements sont prévus dans les jours à venir.

Sa coalition est composée d’une dizaine de partis hétéroclites, dont certains étaient rivaux lors de la précédente législature: cette ossature fragile peut s’effondrer si une dizaine de députés venait à se désister.

Après le départ du Bhumjaithai, connu pour avoir initié la dépénalisation de la culture et de la vente de cannabis, plusieurs partis ont répondu à l’appel du gouvernement, mais un continue de garder le silence: le parti de la Nation thaïe unie (UTN), ultra-conservateur, pro-armée et pro-roi.

La direction de UTN, qui serait le plus gros parti de la coalition s’il restait, aurait demandé la démission de Paetongtarn, et menacé de rejoindre l’opposition, selon la chaîne publique ThaiPBS. Mais la presse thaïlandaise a aussi évoqué des tensions au sein du parti, avec des députés qui seraient prêts à soutenir la Première ministre.

Deux scénarios sont évoqués en cas de départ: la dissolution de l’hémicycle, qui entraînerait l’organisation d’élections anticipées sous 60 jours, ou la nomination d’un nouveau chef du gouvernement sur les bases d’une majorité similaire.

tak-ah/jp

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