Israël arrête le Madleen loin de ses côtes, la légalité de l’action pose question

INTERNATIONAL – Flou maritime. Après plusieurs jours de voyage en mer pour rejoindre la bande de Gaza, le navire Madleen, avec douze militants à son bord a été arraisonné ce lundi 9 juin par l’armée israélienne, qui refuse de laisser le voilier atteindre l’enclave palestinienne pour effectuer une distribution alimentaire symbolique.
À cause du blocus imposé par l’État hébreu sur le territoire palestinien depuis le début de la guerre déclenchée le 7 octobre 2023, l’eurodéputée LFI Rima Hassan, la militante écologiste suédoise Greta Thunberg et les autres passagers ont donc été interpellés, avant que le voilier ne soit dérouté vers le port israélien d’Ahsdod, non loin de Gaza, où les passagers doivent être débarqués avant d’être renvoyés dans leurs pays respectifs.
Une fin de parcours pour ce bateau qui pose néanmoins de nombreuses questions. En cause ? La remise en cause de la légalité de l’action menée par l’armée israélienne, qui ne respecterait pas le droit international avec cette opération menée dans les eaux internationales, dites aussi « haute mer ». Mais qu’en est-il vraiment ?
Aucune forme de souveraineté
À cette question, plusieurs réponses peuvent être apportées. Pour le secrétaire général de l’association des « Juristes pour le respect du droit international » Benjamin Fiorini interrogé sur BFMTV, « ce déroutement n’est pas du tout conforme au droit international » et cite deux raisons à cela. Il y a d’abord l’absence de souveraineté israélienne dans la zone où se trouvait le navire lorsqu’il a été intercepté. En effet, le Madleen se trouvait encore dans les eaux internationales comme le montre un tracker qui suivait le voyage de la Freedom Flotilla Coalition.
L’expert s’appuie donc sur la 4e Convention de Genève pour affirmer qu’« Israël n’a aucune souveraineté sur ces eaux-là , de telle sorte que cette arrestation, par définition, ne peut pas être légale ». À cela, s’ajoute un deuxième point qui concerne cette fois les obligations d’Israël en tant que « puissance occupante de la bande de Gaza ». Ce qui oblige − en théorie seulement − le pays a autorisé l’accès à l’aide humanitaire dans l’enclave palestinienne.
« Israël se soustrait lui-même à cette obligation de respect du droit de la population civile à avoir ses ressources humanitaires pour préserver tout simplement son droit à la vie, son droit à la dignité, son droit à la santé », rappelle alors Benjamin Fiorini, pour qui le détournement du navire est donc « totalement illégal ».
« Le raisonnement juridique » de Tel-Aviv
Pourtant, rares sont les pays à condamner directement l’action israélienne. Même Emmanuel Macron s’est contenté de demander ce lundi au pays de Benjamin Netanyahu « de permettre, dans les plus brefs délais, le retour en France » des six ressortissants français. Ni plus, ni moins.
Sur X, l’ancien ancien ambassadeur de France en Israël Gérard Araud soulève donc un autre point pour tenter d’expliquer la facilité avec laquelle Israël a pu mener cette opération sans la moindre conséquence diplomatique ou juridique. En se plaçant du point de vue israélien, il avance que « le raisonnement juridique » de Tel-Aviv est « sans doute qu’un État à le droit d’arrêter dans les eaux internationales un navire qui s’apprête à violer ses eaux territoriales ou celles d’un territoire qu’il occupe ». Dans le cas présent, les eaux territoriales palestiniennes, soumises au bon vouloir de l’armée israélienne dans le cadre du blocus.
Le raisonnement juridique israélien – que je n’endosse ni ne refuse – sera sans doute qu’un État à le droit d’arrêter dans les eaux internationales un navire qui s’apprête à violer ses eaux territoriales ou celles d’un territoire qu’il occupe. Aux juristes de trancher. https://t.co/1ad9bK66GJ
— Gérard Araud (@GerardAraud) June 9, 2025
« Aux juristes de trancher », ajoute-t-il pour élargir ce débat pointu et sans réponse claire. Dans un précédent message, il évoquait aussi une nuance importante concernant le caractère illégal de cet arraisonnement dans les eaux internationales. En soulignant que « c’est à l’État du pavillon de faire éventuellement valoir ses droits ». En l’occurrence, le Madleen navigue sous pavillon britannique.
Israël ratifie très peu de traités
Malgré ces différents arguments, l’action israélienne peut difficilement être qualifiée ou condamnée par le droit international. Car Israël ne respecte pas, voire viole, le droit international à plus d’un titre depuis les événements survenus le 7-Octobre. Raison pour laquelle un mandat d’arrêt émis par la Cour pénale internationale vise le Premier ministre israélien. Notamment pour « crimes contre l’humanité et crimes de guerre ».
Dans ce contexte, il faut également rappeler que depuis sa création, l’État d’Israël a presque toujours adopté une position singulière (et relativement proche des États-Unis) sur la scène internationale, qui consiste à ne signer ou ne reconnaître que très peu de traités ou institutions internationales. Une manière de conserver une marge de manœuvre importante et ainsi éviter toute entrave du droit international dans ses actions. Israël pourrait donc facilement se défendre en rappelant qu’il n’a jamais ratifié la Convention des Nations unies sur le droit de la mer. Et qu’il n’est donc pas tenu de respecter le droit international imposé dans les eaux internationales, même s’il ne dispose d’aucune forme de souveraineté dans cette zone maritime.
Cette annonce d’Israël sur l’extension de la colonisation ressemble fort à une provocation
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