9 May 2025 05:17

Qu’est-ce qu’un délit d’initié, dont Donald Trump est accusé après son revirement sur les droits de douane ?

Un revirement qui pose question. Ce mercredi 9 avril, dans un revirement “surprise”, Donald Trump annonçait la suspension de la hausse des droits de douane (qui reviennent à 10 % pour 90 jours, pour tous les pays), à l’exception de la Chine qui doit désormais s’acquitter de 125 % de taxes. Depuis, le monde entier retient son souffle. Les bourses internationales, elles, sont euphoriques.

Mercredi soir, quelques heures avant son volte-face, Donald Trump surprenait en écrivant sur Truth Social : “C’EST LE MOMENT D’ACHETER”, juste après l’ouverture de Wall Street, qui a immédiatement bondi de 10 %. C’en était trop pour les sénateurs américains, qui reprochent à l’énième coup d’éclat du président américain d’être un délit d’initié.

“Si ce n’est pas une manipulation des marchés, qu’est-ce que c’est ?”

La levée de boucliers des sénateurs démocrates a été immédiate. “Le président des États-Unis participe littéralement à la plus grande manipulation de marché au monde”, ont affirmé les élus démocrates de la commission des services financiers de la Chambre des représentants sur les réseaux sociaux.

Adam Schiff est le premier sénateur à avoir ouvertement demandé l’ouverture d’une enquête au Congrès américain pour délit d’initié. Elizabeth Warren parle, elle, de “corruption”. Dans une intense diatribe mercredi, le démocrate Steven Horsford exigeait quant à lui des explications au représentant au Commerce de la Maison Blanche :

“Si ce n’est pas une manipulation des marchés, qu’est-ce que c’est ? Qui en profite ? Quel milliardaire vient de s’enrichir ? (…) Quant aux Républicains, ici ils sont tous partis, car personne ne veut avoir à défendre ça !”

La publication incitative de Donald Trump a également été vertement critiquée par la représentante démocrate du Congrès Alexandria Ocasio-Cortez, cible préférée des Républicains et de Donald Trump lui-même.

“Tout membre du Congrès ayant acheté des actions au cours des dernières 48 heures devrait probablement le déclarer maintenant. (…) Il est temps d’interdire les délits d’initiés au Congrès.”

Ce que reprochent les démocrates à Donald Trump est simple : avoir joué volontairement avec les cours de la Bourse pour en faire profiter des proches, ou pour son propre profit. C’est la définition-même d’un délit d’initié, un délit boursier qui consiste, pour une personne tenue dans le secret, ou ayant des informations privilégiées, à tirer profit du marché, par exemple en achetant ou en vendant des actions.

En droit français, les sanctions encourues sont de 2 ans de prison et 1,5 million d’amende. Aux États-Unis, les peines peuvent être plus sévères – une dizaine d’années de prison pour les cas les plus lourds, Michael Milken et Jeffrey Skilling.

Mais alors, Donald Trump a-t-il franchi la ligne rouge ? A-t-il essayé d’influencer les marchés avec son tweet annonciateur ? En attendant que les autorités américaines tranchent, Howard Lutnick, le secrétaire au Commerce des États-Unis, a nié toute manipulation, assurant à Fox News que “Trump est le plus grand des négociateurs”.

Le chroniqueur de BFM TV Benoit Gallerey rappelait en tous cas, ce jeudi 10 avril, que l’entreprise de médias de Trump avait gagné “20 % en bourse dans les minutes qui ont suivi cette publication.”

La colère des démocrates américains face à la politique commerciale de Trump est partagée en France. Eric Coquerel, président de la commission des Finances et député LFI, pointe du doigt un “gigantesque délit d’initié”.

Sur BFMTV, l’ancien commissaire européen au marché intérieur Thierry Breton s’interroge sur les choix du président américain. “Pourquoi ne pas avoir attendu 3 heures de plus, que les marchés soient fermés ? Ça peut interroger car en pleine séance, c’est du jamais vu (…) Si jamais il y a délit d’initié, on le saura”, assure-t-il.

En attendant, les bourses poursuivent leur envol. Et en dépit de l’escalade qui se poursuit avec la Chine, Donald Trump réunira son gouvernement ce jeudi 10 avril.

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