Aristide a un malaise, la campagne électorale retient son souffle
Pour sa deuxième sortie pour la campagne électorale, Jean-Bertrand Aristide aura réussi encore une fois d’attirer sur lui tous les projecteurs, après sa visite surprise dans les rues de Pétion-Ville, il y a dix-huit jours, cette fois c’est une visite mouvementée aux Gonaïves et un malaise en plein meeting au Cap-Haïtien qui ont fait chauffer les réseaux sociaux et provoqué des breaking news. Alors que l’on s’interroge sur l’état de santé de l’ancien président, les spéculations vont bon train et animent la drôle de campagne électorale 2016.
Alors qu’il s’adressait à des partisans réunis pour l’écouter au Cap-Haïtien, l’ancien président Jean-Bertrand Aristide s’est évanoui, ont constaté sur place les correspondants du Nouvelliste, peu après 8 heures du soir le vendredi 16 septembre 2016.
Après des tentatives pour le réanimer sur place, Aristide, 63 ans, a été conduit à l’hôpital universitaire Justinien du Cap-Haïtien où il a reçu des soins et a été gardé pour la nuit. Pour le moment, les proches d’Aristide n’ont pas fait de déclaration officielle sur son état de santé ou sur les causes de son malaise.
« Le président, après avoir voyagé durant 12 heures, a eu un petit malaise. Après s’être reposé, il s’est remis. Plus de peur que de mal », a déclaré dans une courte déclaration au Nouvelliste, Leslie Voltaire, ancien chef de cabinet et ancien ministre de Jean-Bertrand Aristide.
Voltaire a aussi confirmé que Jean-Bertrand Aristide passerait la nuit sous observation médicale dans l’enceinte de l’hôpital universitaire Justinien du Cap-Haïtien. « On en profite pour lui faire des examens pour ne pas prendre de risques », a ajouté celui qui est actuellement le directeur de campagne de Maryse Narcisse.
Pour de nombreux observateurs, Aristide, qui n’avait pas mis les pieds hors de la capitale haïtienne depuis son retour d’exil en mars 2011, aurait surestimé son âge et ses forces et sous-estimé les exigences de la campagne électorale en tentant de faire un périple de près de trois cent kilomètres par la route en une seule journée.
L’homme fort de Fanmi Lavalas était parti de la capitale tôt vendredi matin pour participer au lancement de la campagne de Maryse Narcisse, candidate à la présidence de son parti. Accueillis au Cap-Haïtien par des partisans en colère de Moïse Jean-Charles, ancien membre de la même formation politique, la délégation Lavalas a commencé son meeting avec plus de trois heures de retard dans une atmosphère houleuse, sous haute protection policière.
Jean-Bertrand Aristide venait de prendre la parole vers 8h p.m., quand il s’est brusquement effondré, après avoir remercié la population capoise et les Frères du principal collège religieux de la ville où il a passé son enfance et fait ses études classiques.
Le stress serait aussi l’un des facteurs aggravants dans le cas de l’ancien président qui se déplace avec un imposant dispositif de sécurité, lui qui suscite de vifs sentiments de haine et d’amour depuis plus de trente ans et dont c’est la première campagne électorale (par procuration, cette fois) depuis seize ans.
Une journée chaude
Après un accueil chaleureux dans quelques villes, le cortège avait connu des moments de tensions aux Gonaïves avant de rejoindre le Cap-Haïtien où s’est produit le malaise de Jean-Betrand Aristide.
Un peu plus tôt dans la journée, le cortège s’est arrêté aux Gonaïves, ville d’où était partie une rébellion armée qui avait abouti au deuxième départ en exil du premier président démocratiquement élu en Haïti. 12 ans après sa chute, JBA a foulé le sol de la cité de l’indépendance. Cette visite a provoqué une vive tension dans la ville.
À Descahos, sourire aux lèvres, M. Aristide descend de voiture pour faire quelques pas au milieu de la foule. La sécurité est de taille. Arrivé devant le Palais de justice, à la rue Larmartinière, il rentre dans sa voiture pour poursuivre son parcours.
Le cortège prend la rue Vernet qui mène à Raboteau. Tout le monde s’empresse de voir ce qui va se passer. Entre-temps, à Raboteau, un groupe se prépare à recevoir l’homme de Tabarre. Le cortège évite cette zone et emprunte la rue Clerveaux. Depuis sa voiture, il observe la place d’Armes, lieu où il a été chahuté le 1er janvier 2004, en pleine célébration des deux cents ans de l’indépendance.
A l’avenue des Dattes, des protestataires s’en sont pris aux derniers véhicules du cortège de Fanmi Lavalas qui se dirige vers le Cap-Haïtien. Les véhicules ont essuyé des jets de pierres. Des gens courent dans tous les sens. « Nous n’avons pas de problème avec Maryse Narcisse. Mais, Aristide nous rappelle de mauvais souvenirs », a lâché l’un des manifestants.
Les opposants ont dénoncé la présence de M. Aristide dans la ville. Leur colère est visible. Ils ont scandé des slogans hostiles à l’endroit de l’ancien président. « Aristide manje Cubain, nou pap negosye », « A ki figi w vin la », « Afè Lavalas la, sa fini », sont entre autres des paroles qui étaient sur leurs lèvres. Les leaders du mouvement disent regretter n’avoir pas rencontré leur cible face à face.
Aucun stand n’a été construit pour l’occasion. Aucune mobilisation effective n’a été faite non plus. Maryse Narcisse et son mentor n’ont adressé aucun message à la population. Pas même pour les journalistes, il était extrêmement difficile d’interviewer ces personnalités. Les policiers bousculent quiconque voulant s’approcher de l’ancien président. A la fin de 2003, après l’assassinat d’Amiot Métayer, ancien chef de l’ex-armée cannibale, la ville des Gonaïves s’était révoltée contre M. Aristide. Ce qui a provoqué le vaste mouvement ayant conduit à son départ en février 2004.
Cabaret et Saint-Marc en conquérant
La journée de ce vendredi 16 septembre 2016 avait bien commencé. Il est 9h30 du matin. Sur la place publique de Cabaret, partisans et sympathisants de Fanmi Lavalas se réunissent pour accueillir l’ex-président de la République, Jean-Bertrand et la candidate Maryse Narcisse. Les gens sont visiblement heureux de voir le cortège dans lequel se trouve l’ancien prêtre de Saint-Jean Bosco, deux fois président de la République. Voix enrouée, Maryse prend la parole en ces termes : « Je suis contente d’être ici. Je vous avais promis que je reviendrais avec une personne spéciale. La voilà ! »
Les gens sont en jubilation lorsqu’ils voient le père fondateur de Fanmi Lavalas, Jean-Bertrand Aristide. De son côté, calme dans sa voiture, JBA, par de petits gestes de la main, salue la foule venue supporter sa candidate, Maryse Narcisse.
Le deuxième arrêt sur le chemin menant au Cap-Haïtien est à Saint-Marc. La ville de Nissage Saget est surchauffée à cause de la présence de Titid. Sur la place publique de cette ville, main dans la main avec Maryse, le leader charismatique de Fanmi Lavalas prédit la victoire de sa favorite pour le 9 octobre prochain. « Je suis content d’être là, dans cette ville, pour soutenir Maryse. Je suis fier de vous dire que le Dr Maryse Narcisse vous aime pour la vie. Pour cette raison, elle va traiter ce pays qui est très malade », a-t-il souligné, ajoutant : « Pase pou n ta reyisi san pèp sa, nou pito echwe ak li. Sa ki pi bèl la ak pèp ayisyen sa a, nou pa ka echwe. »
Pour sa part, Mme Narcisse a profité de cette occasion pour promettre de l’éducation, de la santé, de l’électricité 24 /24, de diminuer le prix des engrais sur le marché et de travailler pour que la ville de Saint-Marc soit belle durant son mandat.
Frantz Duval avec Gérard Maxineau, Emmanuel Thélusma et Jodherson Cadet
Source Le Nouvelliste