9 June 2025 16:21

Motions de censure, valse des Premiers ministres… Le bilan de la dissolution un an après le choix de Macron

Un air de tournis 365 jours après la dissolution. Depuis qu’Emmanuel Macron a convoqué des élections législatives en juin dernier à la surprise générale, le chef de l’État a créé un grand chambardement politique.

Une Assemblée nationale plus fragmentée que jamais, des projets de lois devenus rares, des Premiers ministres qui peuvent tomber à tout moment… Le bilan de la dissolution donne le tournis, chiffres à l’appui.

• Trois Premiers ministres

Premier chamboule-tout: les visages des Premiers ministres. Entre l’annonce de la dissolution le 9 juin et 2024 et ce 9 juin 2025, pas moins de trois hommes se sont succédés à Matignon. C’est Gabriel Attal qui a été le premier à faire les frais de la décision du chef de l’État.

Après avoir expédié les “affaires courantes” pendant presque 8 semaines – un record dans la Ve République-, le trentenaire passe le flambeau à Michel Barnier début septembre.

Ce vieux routier issu des Républicains ne restera que 90 jours à la tête du gouvernement, tombé à la faveur d’une motion de censure sur le budget de la sécurité sociale en décembre. C’est finalement François Bayrou qui récupère son poste, lui qui en rêve depuis des années. Charge à lui de parvenir à tenir au moins jusqu’à l’automne 2025 et à faire adopter le budget de l’État.

Ce jeu de chaises musicales a beau n’être pas nouveau, sa rapidité est inédite dans la Ve République. Entre 2017 et 2022, Emmanuel Macron n’a eu que deux Premiers ministres avec Édouard Phillippe et Jean Castex. François Hollande a compté de son côté trois premiers ministres pendant son quinquennat (Jean-Marc Ayrault, Manuel Valls et Bernard Cazeneuve).

Quant à Nicolas Sarkozy, il a travaillé pendant cinq ans avec François Fillon. Jacques Chirac a travaillé entre 2002 et 2007 avec deux Premiers ministres (Jean-Pierre Raffarin et Dominique de Villepin).

• Onze groupes parlementaires

Seconde conséquence de la dissolution: une Assemblée nationale plus fragmentée que jamais. Avec onze groupes parlementaires, le Palais-Bourbon bat un record qui ne date pourtant que de 2017 et de 2022 avec dix groupes.

Le groupe le plus important, ce qui est également inédit, est le Rassemblement national qui compte 126 députés, 38 de plus qu’avant la dissolution. En 2017, le RN n’avait même pas été en mesure de constituer un groupe, faute des 15 personnes nécessaires.

Cet émiettement de l’Assemblée nationale a des conséquences directes, impliquant de faire des alliances et des compromis sur le fond pour tenter de faire adopter des textes. C’est à la faveur d’un accord avec les socialistes pour réouvrir des discussions entre partenaires sociaux sur les retraites que François Bayrou est parvenu à faire adopter les budgets de l’État et de la sécurité sociale en janvier dernier.

C’est également parce que les ministres droite et ses 49 députés soutiennent le centriste qu’il peut se maintenir à son poste.

• Seulement quatre projets de loi d’ampleur

La dissolution a également fait basculer le barycentre de la vie politique à l’Assemblée nationale. Ces derniers mois, de nombreuses propositions de loi, déposées à l’initiative des députés, ont été votées tous azimuts, de sujets très concernant pour les Français comme l’aide à mourir à des points plus anecdotiques comme la reconnaissance de la discrimination capillaire.

Mais ces textes n’ont souvent que très peu de chances de s’appliquer concrètement, faute de volonté au Sénat, à majorité de droite. Seul le gouvernement peut véritablement avoir une action concrète sur la vie des Français avec des projets de loi. Mais chaque projet de loi offre la possibilité aux oppositions de déposer une motion de censure dans la foulée, poussant donc Matignon à limiter les risques.

La preuve avec Michel Barnier qui n’a planché que sur le budget de l’État et de la sécurité sociale et quelques textes très secondaires pendant son passage-express à Matignon.

François Bayrou est en train de prendre la même pente. Seuls projet de loi d’ampleur qu’a porté le Premier ministre après avoir fait voté les budgets: le projet de loi d’urgence pour Mayotte et le projet de loi simplification de la vie économique qui a notamment mis fin aux zones à faibles émission (ZFE), au grand dam du gouvernement.

Fragilisé politiquement, le Premier ministre a cependant soutenu directement plusieurs propositions de loi à l’instar de celle du sénateur LR Laurent Duplomb qui vise notamment à réintroduire certains pestides dangereux pour les abeilles comme les néonicotinoïdes pour “lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur”.

En un an à Matignon, Élisabeth Borne qui devait faire face à une absence de majorité absolue, avait fait 13 textes dont plusieurs importants, à l’instar de deux projets de loi sur le pouvoir d’achat, sur les énergies renouvelables ou encore sur la relance du nucléaire.

• Déjà 8 motions de censure en un an

Sept contre François Bayrou qui tient toujours à son poste six mois après sa nomination, une seule contre Michel Barnier qui l’aura fait tomber… En un an, les motions de censure qui visent à faire démissioner le Premier ministre et le gouvernement se sont multipliés. Jamais dans l’histoire de la Ve République, cet outil n’aura été autant utilisé dans le temps ni contre une personne.

À titre de comparaison, il faut remonter à Pierre Bérégovoy avec 7 motions de censure en presque un an entre 1992 et 1993 pour trouver une équivalence. Michel Rocard, qui était lui, resté à Matignon 3 ans entre 1988 et 1991, avait dû lui en affronter 6 dans climat de grande défiance avec son propre camp.

Pour parvenir à faire tomber le gouvernement, il faut réussir que la motion de censure puisse obtenir au moins 289 voix. Sur le papier, le calcul n’a rien de compliqué. En additionnant les voix de toute la gauche et celle du RN et de ses alliés, on obtient 334 voix. Reste cependant à avoir les mêmes intérêts.

Alors que le camp de Marine Le Pen réclame une nouvelle dissolution à l’automne, que pourrait provoquer la chute de François Bayrou, les socialistes, eux, pourraient avoir intérêt à la stabilité à l’approche des municipales en mars prochain.

Pour l’instant, la piste d’une nouvelle convocation des électeurs, à nouveau possible comme le prévoit la Constitution, ne semble pas à l’ordre du jour. Emmanuel Macron a exprimé à demi-mot des regrets, jugeant que la dissolution avait “apporté pour le moment davantage de divisions à l’Assemblée que de solutions” lors de ses vÅ“ux le 31 décembre dernier.

Article original publié sur BFMTV.com

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